Emotion aux funérailles de Carlos Berger
(extraits traduit à peu près par Victor Sandoval, Paris)
J'ai connu Carlos Berger dans les années 60-début 70 et nous avons partagé de luttes ensemble, apr exemple solidarité avec le Vietnam bombardé par US ou les travailleurs à la recherche d'un nouveau Chili qui viendrait le 4-09-1970. Son sacrifice m'a toujours bouleversé et son "enterrement" dimanche 13 avril 2014, 41 ans après son assassinat, était pour moi depuis Paris un moment de souvenir et recueillement. Quand son fils, le cinéaste German Berger, parle d'aimer la vie, de rire à nouveau...il me revient le souvenir de ce jeune militant gentille et toujours plein de sourire...
V. Sandoval
40 ans après son assassinat pour enfin l'enterrer!
Après une très
longue atteinte depuis l’assassinat de Carlos Berger en Octobre 1973, la
disparition de ses dépouilles pendant
tant d’années, c’est seulement ce dimanche 13 avril 2014, que sa veuve
l’avocate Carmen Hertz, son fils le cinéaste Germán Berger, sa famille, ses
amis, le Parti communiste du Chili, les organisations des droits de l’homme ont
pu enfin enterrer « les dépouilles » de cette victime d'une violation
flagrante des droits de l'homme, d’un crime contre l'humanité commis par la
dictature de Pinochet.
Jusqu'au Mémorial
des Disparus, Détenus et Exécutés Politiques au Cimetière général de Santiago
sont arrivés des milliers de personnes pour accompagner la dépouille de cet
avocat et journaliste, directeur de la radio « El Loa » de Calama pendant
le gouvernement de Salvador Allende. Il avait été arrêté et soumis à un procès au
tribunal toute de suite après le coup d’Etat de Pinochet le 11-09-1973. Sa
veuve Carmen Hertz, qu’avait pris immédiatement sa défense auprès du tribunal, lequel
l’avait condamné à 60 jours de prison à Calama, n’a pas pu éviter qu’il soit
envoyé devant une cour martiale, le Conseil de Guerre.
Jusqu'à Calama est
arrivé alors le général Sergio Arellano Stark, porteur des instructions directes
du général Pinochet afin d »accélérer et simplifier les jugements et les
condamnations" de prisonniers politiques (appelés dans le jargon de
putchistes « prisonniers de guerre » car ils étaient en guerre contre
le « communisme international », en réalité contre son propre
peuple !). Arellano Stark (aujourd’hui condamné à vie pour ces crimes) ordonna
le transfert de 25 détenus de la prison de Calama, parmi lesquels se Carlos
Berger, vers le désert d'Atacama, où ils ont été cruellement abattus.
Le drame a continué
avec la recherche de des dépouilles, portée disparues, en fait délibérément
cachées par un pacte de silence. Lorsque la pression de l’opinion monte pour
exiger la vérité sur ces crimes, elles ont été exhumées illégalement et fait
exploser à la dynamite en pleine désert, dans un dernier et vain effort pour
les faire disparaître à jamais. Dès le premier discours Pinochet annonçait la
guerre contre ce qu’il nommé « le communisme international » qu’il
fallait liquider par tous les moyens…jusqu’à le faire disparaître de la face de
la terre….Comme un remake plus d’un siècle après des déclarations du nain
Thiers massacrant les communards en 1871…
La longue lutte de
la famille pour retrouver son corps continue jusqu'à récemment quand l'Institut
de médicine légale de Santiago a pu identifier des petits morceaux d’os. Ces quelques
os avaient été retrouvés sur la route (tombés du camion transportant les corps
dynamités ou ce qui restait après les avoir déterrés pour les faire disparaître
à jamais), donnés à sa veuve par ceux qui les avaient trouvés. Par des preuves d’ADN
l’Institut finit par reconnaître ceux de Carlos.
Ce dimanche 13
avril, l'acteur José Secall a commencé la cérémonie funèbre à laquelle
assistaient le président du PC Guillermo Teillier, le président de l'AFDD
Lorena Pizarro; les parlementaires Sergio Aguiló, Patricio Hales, Camila
Vallejo et Karol Cariola, Daniel Jadue maire Recoleta, Angela Jeria, José Goñi,
le Dr Patricio Bustos, le président de l'Association des journalistes, Marcelo
Castillo, et d'autres personnalités.
Javiera Parra et
Manuel Angel Garcia ont rendu un hommage musical et sont intervenus, Lorena
Pizarro, Guillermo Teillier et Germán Berger avant les derniers mots de Carmen
Hertz. Pour finir avec un hommage très émouvant du musicien Jorge Coulon avec
l’ensemble Inti Illimani.
Paroles de Guillermo Teillier
Voici un extrait des paroles prononcés par Guillermo
Teiller, président du PC chilien
«Au nom du Comité
Central, de chaque membre du Parti Communiste du Chili je rends hommage
sincère, affectueux et solennel à celui qui était un membre actif et important du
parti, du journal El Siglo et de la revue Ramona. Le 11 Septembre 1973 il était
à Chuquicamata (NdA: la plus grande mine de cuivre à ciel ouvert au monde) où
il faisait un travail dans le domaine des communications, en liaison étroite
avec les travailleurs de la mine et de la CUT, il faisait entendre sa voix pour
défendre l’oeuvre du gouvernement populaire, conduit par notre président Salvador
Allende Gossens, à travers les ondes de radio Loa.
« Je parle de
notre cher ami Carlos Berger Guralnik, avocat et journaliste, que, par sa
qualité et sa loyauté envers le processus de changement révolutionnaire,
accompli la mission de mettre en valeur pour le pays et le monde la portée de
la nationalisation du cuivre, d’une importance vitale pour le développement de
notre pays.
« L'histoire
tragique de son assassinat est devenu un symbole qui laisse stupéfiaits et
indignés des millions de Chiliens, choqués quand ils sont su de cet horrible
crime, la dure et terrible réalité des crimes commis par la dictature d'Augusto
Pinochet.
« Carmen
Hertz, éminente avocate, défenseur reconnu des droits de l'homme, qui était sa
compagne et qui l'a défendu à partir de son arrestation le 11 Septembre 1973,
et devant le Conseil de guerre auquel il a été soumis, après tant d’années passées
et à l’occasion de la commémoration 40 ans du Coup d’Etat, a enfin eu
l'occasion de faire connaître son témoignage à tout un pays, grâce aux écrans
de télévision, sur les événements tragiques du 19 Octobre 1973, lorsque Carlos
Berger, qui avait été condamné à une peine de seulement 60 jours de prison, est
kidnappé et exécuté de manière perfide, en plein désert d'Atacama, avec 25
autres camarades, par la criminelle « Caravane de la mort »,
commandée par le général Arellano Stark, agissant sur ordre direct Pinochet ;
cette Caravane, comme nous le savons, a parcourrit le Chili pour terroriser et
assassiner des personnes innocentes.
« Il y a eu
des milliers d'exécutions politiques, des milliers de détenus disparus, des
dizaines de milliers de torturés, des centaines de milliers de prisonniers,
exilés, exonéré, provoqués par la dictature. Nous ne savons pas exactement la
quantité de crimes contre l'humanité commis par le régime dictatorial mais nous
savons de la douleur et l'impuissance en l'absence de vérité et de justice dans
la plupart des cas.
« Comment ne
pas admettre, d'abord, le travail extraordinaire des groupes de parents de
disparus et exécutés, des avocats de droits de l'homme et des juges qui ont
accompli des progrès remarquables dans les enquêtes et les recherches sur les
dépouilles des compatriotes, la
répression victimes et la collaboration du Service de médecine légale, du
département PDI correspondant et d'autres services publics.
« Mais cela ne
suffit pas car il y a des cas de déni de justice et de réparation et le manque
de vérité qui empêche de fermer les plaies. Ce sont les conditions de lutte
contre l'impunité pour avoir notre vie démocratique.
« Le côté
sombre de cette impunité est le manque de morale et d'éthique de ceux qui ne
savent pas reconnaître leurs responsabilités ni montrer des signes de repentir
et offrir la collaboration dans la construction d'une démocratie non
conditionnée au danger d’un autre coup d'Etat. Il y a confusion, inquiétude et
méfiance quand des députés de droite vont dans un autre pays à " faire
preuve de solidarité " avec ceux qui prônent la violence, la
déstabilisation et le coup comme solution aux différences politiques (Venezuela),
Apparemment ils n’ont pas appris la leçon du Chili ou comprennent les choses à
l'envers.
« Notre espoir
est que des millions au Chili d’aujourd'hui sont unis sur le besoin de vérité
et de justice, nous rejetons toute impunité.
« Carmen Hertz
a tout le soutien solidaire lorsque quand elle demande plus de justice, pour
toutes les familles de victimes de la dictature. Ce n'est pas la solitude qu’à
un moment était comme un cri témoignage, maintenant c’est la cause de tout un
peuple. Le pouvoir judiciaire, le Parlement, l'exécutif et tous les partis
politiques devraient le savoir.
« Nous savons
aujourd'hui que nous enterrons des os minuscules mais nous sommes conscients de
leurs crimes ; le tyran voulait les éliminer et les faire détruire par ses
sbires au moment de l'exécution. Je ne sais pas si le mot exact est enterrer,
plutôt il me semble que nous sommes en train de semer une lumière de la vérité
et de l'espoir, parce que les petites dépouilles, ces petits os de nos
camarades ont autant de force que les idées justes que vivent dans nos esprits
et qui sont celles qui nous motivent à continuer de se battre dur pour
elles" conclut Guillermo Teillier
Paroles de son fils le cinéaste German Berger:
Berthold Brecht disait "" Nous changeons de
pays comme des chaussures, désespéré quand il y avait seulement injustice mais
sans indignation. Aussi la haine contre la bassesse défigure les factions.
Aussi la colère contre l'injustice rend rauque la voix. Vous, cependant, quand
le temps de l'homme ami de l’homme viendra, pensez à nous avec indulgence
"
Et oui, notre voix devient rauque, désespérée et indignée,
nous continuons aujourd'hui le combat contre l'impunité et l'ignominie qui a
habité notre pays bien-aimé. Nous avons lutté contre la haine, contre la
solitude de la perte. L’indignation et les convictions nous ont maintenu
débout, certains ont même pu lutter grâce à elles, d'autres avons seulement
essayé de survivre.
Chère famille, chère Petxis, maman combattante éternelle,
mes filles, Elsita, Ricardo, Vivi, Jorge, Manuel, oncles, cousins, cousines,
chers Sada ... Amis tous, frères de route, ceux qui font partie de la famille
élective que la vie nous donne de fois. En ce jour, où nous honorons mon père
assassiné, je tiens à vous remercier pour nous accompagner ici, merci à vous
pour nous accompagner toujours et être si indulgents envers nous ...
Mon oncle Eduardo m'a dit un jour que si nous trouvions
un jour son corps, si nous pouvions l'enterrer, peut- être nous aurions pu
parler de la mort de Carlos ... mais jamais l’avons fait et le silence s’est
imposé entre nous. Le présent et le passé de ma famille s’est cassé là, avec la
mort dévastatrice de mon père ... et depuis le futur ne sera plus le même pour
chacun d’entre nous. Sa mort et la disparition de son corps nous a laissé une
douleur sourde, incapable de s'exprimer, une douleur presque interdite...
c'était comme si toute son existence n'avait jamais existée, la peine était
caché, chacun de nous portait sa propre douleur. Je regrette qu’oncle Eduardo ne
soit plus parmi nous pour participer à cette cérémonie.
Cher Papa
C'est
étrange d'être ici aujourd'hui ... pour
enterrer des dépuilles de ton corps que le désert nous renvoi, c’est difficile
parce que l'horreur de ton assassinat et l'angoisse de te savoir disparu sont
déjà des blessures indélébiles dans nos âmes...
Mais
ici nous sommes et nous serons toujours, encore et encore . Voici ta famille ,
voici tes amis , ici se trouvent les membres de la famille qui sont toujours à
ta recherche, voici aussi les âmes de tes camarades assassinés, ici se trouve
cette partie de ce pays qu’avec toi rêvait de le changer... Nous sommes tous
ici pour célébrer ta cérémonie 40 années après ton décès...
Je
me souviens quand j’étais enfant, je rêvais presque chaque nuit que tu
revenais, que tu était caché et retournais à nos côtés ... Tu m’expliquais les
choses , j’entendais ta voix pour la première fois, je caressais ton visage pour la première fois et sentais
tes lèvres sur ma joue pour la première fois ... , la fantaisie innondait mon
esprit et mon corps d'enfant. La chronologie de l'enfance n'est pas faite de
lignes mais de sursauts. La mémoire est un miroir opaque et brisé en
morceaux... essayer de se souvenir est aussi frustrant que d'essayer de
récupérer un rêve que nous laisse un sentiment mais pas d'image, une histoire
sans histoire, vide, que laisse seulement un état du humeur vague ... les
images ont été perdues.. les années, les mots, les jeux, les caresses se sont
effacés et encore de fois revoeint le passsé, quelque chose s'allume dans la
région sombre de l'oubli. Presque toujours il s’agit d’un espoir melé à une
joie, et presque toujours il y a là le visage de mon père, ton visage tout près
du mien. Comme l'ombre que nous traînons ou que nous traînne...
J’ai aimé mon papa à la folie, d'un amour jamais senti à
nouveau jusqu'à ce que mes filles soient nées. Quand elles sont nées, je l'ai
reconnu car c’est un amour semblable par son intensité mais différent et, dans
une certaine mesure, au sens opposé. Je sentais que rien ne pouvait m'arriver
si j'étais avec mon papa même de cette manière onirique. Et je sens qu’à mes
filles rien peut leur arriver si elles sont avec moi ... C'est une chose
ancestrale, très primitive, que l’on sent au plus profond de la conscience,
dans un endroit antérieur à la pensée
Aujourd'hui est une journée d’hommage, ces funérailles sont une célébration de la
mémoire ... la tristesse sera toujours avec nous et ne sera jamais assez ...
Mais nous devons nous lever et être capable de rire, d'amer et de danser ......
Aujourd'hui c’est un jour où la mémoire a triomphé un instant parce que nous
osons le souvenir, parce que nous pensons à tant de souffrances vécues, parce
que nous rêvons à nouveau avec un pays plus juste, plus inclusif…Parce que par
moments nous sommes capables de lutter pour cela... Aujourd'hui, c'est la fête
de mon père, de tous ses camarades assassinés, aujourd'hui c'est la fête de ma
patrie, de mon peuple ... d’un pays qui se lève et qui est capable de rêver ...
Et pour finir je
veux dire que l'histoire est triste mais
pas désespérée ...
Maintenant j’ai 41 ans. Accompagné de ma femme Elsa et
nos filles Greta et Amalia nous luttons pour faire une nouvelle vie, saine,
sans rancune ni haine ... Nous ne voulons pas perpétuer le deuil. Nous ne
posons pas la question comme une tragédie ... la tragédie de beaucoup, la
tragédie d'un peuple. Nous sommes ici aujourd'hui pour dire à nos filles d'où
elles viennent, qui étaient et comme ils étaient leurs ancêtres ... Aucune
intention de pleurnicher, ne cherchons pas à provoquer les larmes, je veux
juste que mes filles sachent sur cette partie de la saga de sa famille ... du
pays.
Mes filles, votre père veut que vous mangez la vie, ne
souffrez pas ... allez de par le monde donnant la joie, incarnez l'espoir d'une
vie nouvelle... Vous représentez le triomphe de la vie ...
Et comme dit le poète, pour l’amour à la mémoire je
porterais toujours sur mon visage le visage de mon père ...
Merci »
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